J’ai longtemps nié mes pulsions

J’ai longtemps nié mes pulsions. Comme celles-ci n’étaient « que » une tendance homosexuelle fantasmée, rêvée, furtivement attardée à un visage, je n’ai pu en parler sérieusement qu’à …47 ans ; j’étais prêtre depuis 18 ans, religieux depuis 25 ; conséquence : 10 ans en pays de mission s’interrompait brutalement : je pensais devoir rompre tout engagement. Depuis plusieurs mois, j’avais franchi un cap : m’inscrivant à des forums gays, j’y avais donné des réponses…Pourtant virtuelles, ces conversations étaient suivies d’un trouble profond. Dans les activités missionnaires, j’entretenais une prédilection pour un groupe plus impudique ; jusqu’à prendre conscience de l’équivoque, avec une culpabilité proche du désespoir.

J’alerte mon supérieur, j’entends encore sa voix sereine : Torrents de vie peut beaucoup m’apporter, m’assure t’il. Paradoxe crucial : je suis quasiment à chercher sa condamnation, je me rejette en parlant de mes pulsions, et sur son encouragement, je m’inscris au séminaire de juillet 2010 : dès le premier jour, lors de la prière en petit groupe, l’intercession me plonge dans une vision intérieure de mes parents se secourant mutuellement : je ne gardais d’eux qu’un conflit oppressant, avec une rancœur amère ; renversante libération ! Le prodige d’une paix immense; je découvrirai qu’elle s’étend à tout dans mon histoire familiale.

 

Depuis j’ai participé au petit groupe local d’octobre 2010 à avril 2011. J’ai dévoré les ouvrages recommandés par le « manuel Torrent de vie ». Le séminaire de juillet 2012 m’a confirmé. Celui de l’été 2014 encore davantage : je sors de l’adolescence, et d’un long tunnel d’angoisse. A 50 ans !

Le dénouement s’est opéré ; je suis attiré par un désir de plus d’explicitation ; je cherche à comprendre mieux, et fortifier ce que je ressens. Une nouveauté en engendre d’autres: l’estime pour mes parents assoie un bonheur d’être que j’ignorais. Au fil des découragements je l’avais imaginé impossible. D’autres auteurs, avec ceux de TdV, sont devenus eux aussi des guides : Christiane Singer, Litta Basset, Etty Hillesum: je pratique ce qu’ils recommandent concrètement. La Parole de Dieu et les attentes de mes frères de communauté recoupent ces exigences très heureusement. L’ordre successif de ces sortes de « maîtres intérieurs » que je me donne peut surprendre : Andy Comiskey ne m’est connu que par ses livres, pourtant je le lis comme l’une des personnes les plus proches de ma vie… Ses livres et le Manuel sont mon « rempart de Néhémie ».

 

Après la détresse, la paix s’établit, pas à pas. J’apprends quelques efforts indispensables : revenir après une échappatoire ; je cultive cette attitude de « reprendre place »; j’ai opté pour le courage ; j’affronte la présence de telle femme redoutée, telle autre exigeante. Tel frère ou un paroissien me rappellent à un engagement ; je ne panique plus. Un psaume me ravi : « Le filet de l’oiseleur s’est rompu ». Une sorte de goût de ne pas vivre s’en trouve comme expulsé au loin. J’arrive à dénoncer pour ce qu’elles sont vraiment ces images érotiques rêvées, imaginées ou ponctuellement visionnées sur internet : un succédané de fraternité. Je choisi désormais la vérité fraternelle ; j’accepte de vrais services ; et ce n’est pas qu’intérieur : un prêtre est fréquemment sollicité par ses confrères, un religieux par ses frères, et par même des équipes de mamans !

 

Qu’est-ce que Le Seigneur m’a indiqué comme voie essentielle ? L’exercice de réintégrer avec volonté un travail en équipe d’ou je me suis exclu. Mon vieil homme démissionnaire est tenace. Et là, pas d’instantané : autant le dévoilement de ce que furent réellement mes parents fût soudain, autant ce défaut est lent à disparaître. Mais l’enjeu se dévoile par la paix et la joie grandissante : prendre ma place plaît à Dieu.

L’effet pratique : par exemple l’envie qu’une rencontre s’achève, qu’un entretien finisse, qu’un repas ne se prolonge pas sans utilité, – ce que j’appelle « mes instincts de fuite » – se réduisent. Cette façon d’être bien plus présent, c’est cela que je nommerai mon « rétablissement ». Les gens que je rencontre m’intéressent. Pour moi c’est une nouveauté ! Il y en a d’autres ; par exemple la force de travail de mes frères, des pères de famille que je côtoie, des maires des villages de nos paroisses m’édifient. Je les avais ignorés, quelque peu méprisés, parfois jalousés. Sincèrement j’y vois Dieu appelant beaucoup d’entre nous, pour mieux servir. Je me relève, je vois l’un ou l’autre suivre aussi cette voie. Quelques-unes de mes initiatives aboutissent. C’est encourageant. Et mieux encore, j’arrive à servir celles lancées par d’autres. Ceux pour qui tout cela est naturel seront peut-être surpris que j’y attache du prix. C’est Le Seigneur Jésus qui m’en montre l’importance ; je m’en étais privé…

L’infidélité d’Israël, Dieu lui donnait un nom : « Tu boites » ; ces années avant ma prise de conscience, je « chapardais » des présences masculines équivoques ; une conversation suffisait ; j’ai rompu avec ces désirs qui toujours aboutissaient à une profonde angoisse. L’Apôtre dit que le fruit de l’Eprit c’est la paix, la joie, l’amour …et la maîtrise de soi. J’y goûte ; j’apprends à devenir chaste et engagé. TdV y a singulièrement contribué. J’ai obtenu un fruit de l’Esprit supplémentaire : membre à part entière dans la Maison. Le combat n’étant pas achevé, je signe alias Jacob. Ce sera ma façon de demander que se poursuive l’effusion de cette bénédiction.

Alias Jacob